Sciences 2024 : entretien avec nicolas coulmy et Jean-François Debril, deux référents scientifiques
Du 9 au 15 juin à Dinard
Entretien avec Nicolas Coulmy (Directeur du Pôle développement de la Formation et du suivi scientifique – Référent pour la Fédération Française de ski) & Jean-François Debril (Ingénieur de Recherche – Référent pour le CREPS de Poitiers)
A quelques semaines des Jeux Olympiques et Paralympiques, les 25 doctorants et les intervenants de cette école d’été arriveront ce dimanche pour une semaine placée sous le signe du partage.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, Sport Bretagne a recueilli le témoignage de deux référents qui interviendront lors de l’école d’été « Sciences 2024 », hébergée pour la troisième année consécutive dans nos locaux.
Pouvez-vous présenter votre parcours et vos travaux ?
Nicolas Coulmy : « Je suis biologiste et biomécanicien de formation. Ce sont plusieurs sciences. Je me suis également formé dans les neurosciences ou les sciences humaines. Depuis 20 ans, je suis Directeur au sein de la Direction Technique Nationale du Pôle Développement Formation et Suivi Scientifique, en charge notamment du suivi et recherche scientifique pour les Equipes de France de Ski. Je suis cadre d’Etat, mis à la disposition de la fédération par le Ministère des Sports. Dans mon métier, on distingue bien recherche et accompagnement scientifique, d’où ma présence sur cet événement. Mon poste à la Fédération Française de Ski est liée aux Jeux d’Albertville de 1992 pendant lesquels un conseiller scientifique a été nommé. C’est un physicien, Michel Tavernier. Il a été mon Directeur de thèse ensuite. A la Fédération, nous avons donc une longue expérience de l’accompagnement scientifique. Nous cherchons comment répondre à des questions des entraîneurs en lien avec la performance, comment objectiver, grâce à des capteurs, la charge d’entraînement. Au niveau de la recherche scientifique, quand nous n’avons pas la réponse à des questionnements fondamentaux et que la réponse n’existe pas dans la littérature scientifique, nous lançons des projets de recherche. »
Jean-François Debril : « J’interviens car j’ai vu passer une annonce. Jacques Prioux cherchait un référent fédéral donc j’ai proposé de participer. Je suis ingénieur de recherche, sans doute le seul au Ministère des Sports, en conception, développement et expérimentation. Je suis rattaché au CREPS de Poitiers. Plus jeune, j’ai fait 12 ans de judo mais je n’ai pas été sportif de haut niveau. J’ai trouvé dommage de découvrir la biomécanique après : mon travail est de faire passer aux entraîneurs ce type de notions pour qu’ils regardent le geste différemment. Par ailleurs, j’ai effectué ma thèse à Valenciennes. Je suis au CREPS depuis 13 ans. Et j’ai suivi un cursus dans la production industrielle avant de travailler dans l’automobile. J’ai ensuite repris mes études pour faire un doctorat en génie informatique et en informatique, concrètement en biomécanique, autour de l’instrumentation pour mesurer le geste. Au travers de cette spécialité, je mesure le mouvement sportif et, quand on ne dispose pas d’appareil de mesure, on le conçoit. J’accompagne notamment l’Equipe de France de BMX Race depuis une dizaine d’années, le tir à l’arc depuis 10 ans aussi, l’équitation depuis pas mal d’années aussi. Nous avons également des activités dans le handisport, avec la MRP : tir à l’arc, natation adaptée, lancer de poids. A court terme, pour les Jeux, nous travaillons avec l’Equipe de France de BMX Race. A plus long terme, nos recherches portent sur la piscine instrumentée, l’équitation ou encore la vidéo sans marqueur pour supprimer les petites boules qui nous permettent de faire de la vidéo en 3 dimensions. »
Quel témoignage souhaitez-vous apporter lors de l’école d’été « Sciences 2024 » ?
Nicolas Coulmy : « Un message que j’aime faire passer est la nécessité, auprès des doctorants qui se spécialisent, d’avoir une approche transversale au niveau scientifique. Il faut avoir une approche systémique, holistique et pas que mécanique ou psychologique. Un entraîneur prend l’individu dans son tout. Le fonctionnement propre est de tenter d’avoir une approche transversale, même si nous avons une spécialité. En prenant des exemples concrets, je vais montrer comment nous pouvons répondre à des questionnements de sportifs. Nous apportons une réponse travaillée, pas que théorique. C’est la force d’avoir des référents scientifiques dans les fédérations : ils sont spécialistes des disciplines. Je suis par exemple ancien athlète de haut niveau et entraîneur de ski. Un entraîneur et un scientifique observent. Il est important de les faire cohabiter. Une thèse, c’est aller en profondeur sur un sujet. Voir comment les doctorants traitent les sujets peut nous donner des idées. C’est également intéressant d’avoir une revue de la littérature sur un sujet. Soit on se rafraîchit la mémoire, soit on apprend de nouvelles choses. »
Jean-François Debril : « Mon idée est de réseauter avec les intervenants universitaires, voire d’échanger avec des doctorants qui pourraient nous rejoindre. Le programme m’intéresse pour rencontrer du monde et me challenger sur mes pratiques. Je viens avec une ingénieure qui est sous contrat. Dans notre méthode de travail, nous partons d’une pratique de terrain et nous revenons à l’entraîneur. Pour l’équitation, par exemple, l’entraîneur ne savait pas comment mesurer le concours complet : il ne voyait pas le cavalier et le cheval une fois dans la forêt donc il voulait savoir comment le cavalier se comportait. La question s’est traduite de manière scientifique, nous avons monté un projet de recherche et l’entraîneur maîtrise maintenant les courbes. On part du terrain pour revenir au terrain. Cela fait 25 ans que nous travaillons en réseau avec le CAIPS (un consortium d’accompagnement scientifique regroupant plusieurs partenaires) et une vingtaine de fédérations olympiques. »
Pourquoi avez-vous souhaité participer à « Sciences 2024 » ?
Nicolas Coulmy : « Je connais peu Sport Bretagne, bien qu’il y ait des clubs de ski en Bretagne : ils se déplacent ou font du ski nordique à roulettes, voire du biathlon. La Fédération Française de Ski se trouve à Annecy (Haute-Savoie). Un centre de formation se situe à Albertville (Savoie), un autre à Prémanon (Jura), un autre à Font-Romeu (Pyrénées-Orientales). Et nous avons l’Ecole Nationale des Sports de Montagne à Chamonix (Haute-Savoie). Mais la structuration des différents acteurs entre les universitaires, les grandes écoles, le CNRS et les établissements du Ministère des Sports (CREPS, MRP) permet de dynamiser les relations autour de Paris 2024. Même si elles doivent être encore plus dynamisées. Tout le monde fait de la recherche ou de l’accompagnement scientifique. »
Jean-François Debril :« J’ai échangé avec Christophe Clanet mais je n’ai jamais participé à ce type d’événement. Je trouve le principe intéressant donc je ne voulais pas manquer la dernière édition. Les PPR (Projets Prioritaires de Recherche) ont d’ailleurs bénéficié d’un accompagnement financier conséquent : nous allons voir ce qu’ont pu réaliser les collègues. Et, du côté des grandes écoles, nos spécificités ne sont pas toujours connues donc c’est important de montrer que des jeunes ont pris le relai. Pour l’anecdote, nous avons fait pour Nicolas Coulmy, le référent ski, un ergomètre, une machine pour faire de la musculation et la mesurer en même temps, en intérieur : on reproduit les mouvement en ski de fond avec la résistance liée à un planté de bâton. La machine, qui date un peu, s’appelle Top Ski. »